Mise à disposition gratuite d’un local à une association cultuelle ?

Par Sophie Banel - A première vue, une telle mise à disposition peut paraître illégale. Le Conseil d’État vient pourtant de l’admettre sur des circonstances bien précises, dans cet arrêt du 18 mars 2024 (classé A - publié au recueil).

JurisprudenceAnalyse 3 avril 2024

Les dispositions de l’article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) permettent la mise à disposition de locaux affectés aux services publics communaux aux associations ou partis politiques qui en font la demande, aux conditions – notamment financières – fixées par la Commune, dans le respect du principe d’égalité et de prohibition des libéralités.

Sur le fondement de ces dispositions, il est constant qu’une Commune peut, en tenant compte des nécessités de service public, autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité résultant de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, l’utilisation d’un local communal pour l’exercice d’un culte par une association, « dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte » (CE Ass. 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, n°313518, publié au Recueil).

A première vue, la gratuité d’une autorisation d’occupation délivrée à une association cultuelle peut donc apparaître comme illégale :

– d’une part, au regard des dispositions de la loi précitée du 9 décembre 1905 interdisant toute libéralité

– et, d’autre part, au regard de l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) qui pose en principe que toute occupation ou utilisation du domaine public donne lieu au paiement d’une redevance, excepté « aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général » dont ne relèvent pas les associations cultuelles.

Dans une décision du 18 mars 2024 (n°471061 – Classée A, publiée au recueil), le Conseil d’État apporte des éclaircissements intéressants sur la combinaison de ces différents principes.

D’abord, il rappelle utilement que les dispositions de l’article L. 2144-3 du CGCT dérogent à celles, générales, de l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques et s’appliquent donc de plein droit à la mise à disposition de locaux communaux.

Ensuite, la haute Assemblée précise que l’existence d’une libéralité ne saurait résulter du simple fait que le local est mis à disposition gratuitement, mais doit être appréciée au regard de plusieurs autres critères, dont « la durée et [les] conditions d’utilisation du local communal, (…) l’ampleur de l’avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, [les] motifs d’intérêt général justifiant la décision de la commune ».

Aussi, si les collectivités territoriales ne peuvent certes décider qu’un local dont elles sont propriétaires sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel au nom du principe prohibant toute libéralité assimilable à une subvention destinée à un culte (principe déjà affirmé par la décision CE, 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, n°313518, publié au Recueil), elles peuvent néanmoins, sur le fondement de l’article L. 2144-3 du CGCT applicable, autoriser l’occupation gratuite d’une dépendance du domaine public pendant un temps limité, en l’espèce « quatre heures le matin du vendredi 15 juin 2018 pour célébrer la fête musulmane de l’Aïd-el-Fitr ».

La Cour administrative d’appel de Marseille a donc entaché son arrêt d’erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l’article L. 2125-1 du CG3P et retenant que l’association en cause, ayant une activité cultuelle, ne pouvait être regardée comme une association concourant à la satisfaction d’un intérêt général, alors qu’il lui appartenait de se prononcer au regard des dispositions de l’article L. 2144-3 du CGCT et d’en déduire que la seule circonstance que le local communal avait été mis à disposition à titre gratuit par la commune ne constituait pas une libéralité en faveur d’un culte, prohibée par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905.

Il n’est donc pas totalement exclu qu’une commune puisse, ponctuellement, autoriser une association cultuelle à occuper gratuitement un local communal.

Sophie Banel

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