Raccordement : une demande présentée comme provisoire peut être requalifiée comme définitive

Deux arrêts - l'un du CE, l'autre de la CAA de Versailles récemment obtenue par le cabinet - utiles pour les Communes confrontées à des demandes de raccordement artificiellement présentées comme provisoires.

Jurisprudence 27 décembre 2022

Les Communes sont parfois confrontées à des demandes de raccordement aux réseaux artificiellement présentées comme provisoires, pour échapper à la rigueur du cadre juridique posé  par l’article L. 111-12 du Code de l’urbanisme.

Le Conseil d’Etat, dans une décision du 23 novembre 2022 (n° 459043, mentionnée aux tables du recueil Lebon), a précisé dans quelles conditions une demande de raccordement présentée comme provisoire pouvait être requalifiée en demande de raccordement définitif au sens de l’article précité.  

Dans cette affaire Mme B. et M. D. avaient formé devant le maire de la commune d’Esbly une demande de raccordement provisoire au réseau électrique d’un terrain leur appartenant, dans l’objectif d’y installer une caravane.

Pour justifier du caractère provisoire de cette demande, Mme B. et M. D. faisaient valoir que cette caravane ne serait jamais occupée pour des séjours excédant trois mois consécutifs.

Le maire a toutefois opposé un refus à cette demande aux motifs que le raccordement demandé était en réalité un raccordement définitif et non provisoire. Or un tel raccordement définitif de cette parcelle au réseau d’électricité était interdit, du fait de son inconstructibilité en raison d’un risque grave d’inondation.

Aux termes de larticle L. 111-12 du Code de l’urbanisme, “les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux délectricité, deau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation na pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions”.

En application de ces dispositions, une construction ne peut être raccordée aux réseaux existants si elle n’a pas été édifiée de façon régulière. Toutefois, cette exigence ne vaut que pour les raccordements définitifs : la limite du dispositif est bien connue, qui incite parfois certaines personnes à formuler des demandes de raccordements présentés comme provisoires afin de contourner le cadre législatif.

Saisi, le Conseil d’Etat a rappellé tout d’abord que le maire peut contrôler la réalité du caractère provisoire de la demande. En effet, d’après la Haute Juridiction,la circonstance que le raccordement demandé dans une telle hypothèse soit présenté comme provisoire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dès lors qu’il estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, ce raccordement doit être regardé comme présentant un caractère définitif”.

Autrement posé, le Maire n’est pas lié par l’intitulé de la demande dont il est saisi.

Ensuite le Conseil d’Etat précisait quedoit être regardé comme présentant un caractère définitif un raccordement n’ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible, quand bien même les bénéficiaires ne seraient présents que lors de séjours intermittents et de courte durée”.

Ainsi un raccordement peut être considéré comme définitif même si la construction raccordée n’a pas vocation à être occupée de façon permanente.

Le Conseil d’Etat juge alors “qu’en se fondant sur la durée limitée et l’intermittence de ces séjours pour en déduire que le raccordement demandé ne pouvait être regardé comme un raccordement définitif, alors qu’il résultait au contraire des éléments qu’elle avait relevés que ce raccordement était lié à une installation habituelle et récurrente, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit”.

 

Le Cabinet a récemment obtenu, devant la Cour administrative d’appel de Versailles (6ème chambre, 8 décembre 2022, n°19VE01982), une décision s’inscrivant pleinement dans cette solution dégagée par le Conseil d’Etat.

L’affaire portait sur la légalité du refus opposé par le maire, à une demande de raccordement provisoire aux réseaux d’une parcelle sur laquelle les demandeurs avaient réalisé des aménagements non autorisés, et une construction irrégulièrement implantée (dans une zone inconstructible du territoire de la commune), aux motifs que la demande portait en réalité sur un raccordement définitif.

Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 111-12, L. 421-4 et R. 421-23 du Code de l’urbanisme, la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré que si M. A… et Mme C… soutiennent que le raccordement qu’ils ont sollicité était effectivement provisoire, pour une durée de 3 mois, ils ne l’établissent pas. Bien au contraire il ressort des pièces qu’ils produisent eux-mêmes comme constituant la retranscription de leur demande, qu’elle a été formulée pour une durée d’un an, du 23 décembre 2016 au 23 décembre 2017. En outre, il ressort clairement des termes de la demande de M. A… et Mme C… auprès du maire, et il n’est au demeurant pas contesté, que ceux-ci ont établi leur résidence principale sur leur propriété de la rue des Sables. Le recours formé le 7 janvier 2017 par les intéressés indique  » nous sommes en hiver, ma fille attend un enfant et moi-même ayant des problèmes de santé je ne peux prodiguer mes soins sans électricité et mon fils faire ses devoirs « . Enfin, il ressort de l’ordonnance de référé du 27 février 2017 du tribunal de grande instance de Versailles, que lors de l’audience de référé s’étant tenue le 19 janvier 2017, Mme C… a reconnu  » habiter sur place dans sa caravane « . Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, c’est à bon droit que le maire de Fontenay-le-Fleury a considéré que la demande de raccordement ne présentait pas un caractère provisoire, mais bien définitif.

Le Maire ne s’était donc pas mépris en s’opposant à la demande de raccordement, quand bien même elle était présentée comme provisoire.

Ces décisions pourront être utilement exploitées par les Communes parfois confrontées à des demandes de raccordement artificiellement présentées comme provisoires.

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