Un arrêt du Conseil d’Etat, trois apports en matière d’urbanisme !

Dans cet arrêt du 2 juin 2023, le Conseil d'Etat apporte 3 précisions utiles à l'instruction régulière des autorisations d'urbanisme, et à leur contentieux.

Jurisprudence 14 juin 2023

La décision rendue le 2 juin 2023 par le Conseil d’Etat, qui sera publiée au recueil Lebon (n°461645), intéressera les praticiens sur les trois points tranchés par la Haute assemblée.

 

Le premier apport de l’arrêt concerne les modalités d’application de l’article R. 811-1-1, 1° du Code de justice administrative aux termes duquel “les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire” d’une commune située en zone dite tendue.

L’on sait que la notion de “bâtiments à usage principal d’habitation” vise les bâtiments dont plus de la moitié de la surface de plancher est destinée à l’habitation (CE 20 mars 2017, M. et Mme A., n°401643, aux tables).

Mais en l’espèce, le permis litigieux, s’il portait sur la construction de locaux à usage d’habitation d’une surface de plancher de 414 m2, s’intégrait dans un bâtiment déjà existant d’une surface de plancher de 862 m2 exclusivement destiné à l’activité tertiaire, de telle sorte que moins de la moitié du bâtiment était finalement destiné à l’habitation.

En se fondant sur l’objet du permis de construire litigieux, celui-ci prévoyant exclusivement la construction de logements, le Conseil d’Etat a jugé que “le permis doit être considéré comme autorisant des travaux à usage principal d’habitation au sens et pour l’application de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative.”

Et peu importe, à cet égard, que le recours ne soit pas formé par des opposants à un projet mais par le pétitionnaire lui-même à l’encontre des prescriptions dont était assorti son permis de construire. Un recours dirigé contre les prescriptions attachées au permis de construire doit, au sens et pour l’application de l’article R. 811-1-1 précité, être considéré comme un recours contre un permis de construire.

 

Le deuxième apport de l’arrêt concerne quant à lui la portée normative des cahiers de recommandations architecturales et paysagères parfois annexées au règlement du plan local d’urbanisme.

En l’espèce, la société requérante soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le cahier des recommandations architecturales, annexé au PLU, devait être pris en compte pour apprécier la légalité des prescriptions en litige dès lors que les auteurs du plan avaient entendu le rendre opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme.

Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé les dispositions du Code de l’urbanisme applicables aux PLU (articles L. 152-1, L. 151-2 et L. 151-8 d’une part et L. 151-18 et R. 151-10 d’autre part), pose en principe que celles-ci “ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d’urbanisme renvoie à un cahier de recommandations architecturales, adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d’expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s’incorpore.”

Mais le Conseil d’Etat juge que celui-ci n’est opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme “que s’il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d’expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.”

En quoi le Conseil d’Etat reprend, dans les grandes lignes, la solution dégagée sous l’empire des POS (voir  CE, 9 juin 1999, H., n° 169158 ; CE 20 décembre 1989, Commune de la Chapelle-en-Vercors, n°74709 ; CAA Versailles 22 déc. 2005, Lévy-Haussmann, n°04VE01225).

Au cas présent, le cahier de recommandations architecturales et paysagères indiquait expressément qu’il vient “compléter les dispositions” du règlement du PLU et mentionne, dès son introduction qu’il est un “complément qualitatif indispensable au plan local d’urbanisme et à son règlement”, de telle sorte qu’il devait être pris en compte par le pétitionnaire dans le cadre de l’élaboration de son projet, les auteurs du PLU ayant clairement entendu le rendre opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme.

 

Le troisième et dernier apport de la décision  concerne, à suivre son fichage, la compétence de l’autorité instruisant et délivrant le permis pour imposer des formalités non prévues par le code de l’urbanisme.

La juridiction suprême commence par rappeler qu’aux termes de l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme “les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat.

Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l’Union européenne, des règles relatives à l’utilisation des sols et à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d’une autre législation dans les cas prévus au chapitre V du présent titre”.

De plus, aux termes de l’article L. 424-7 du même code “lorsque l’autorité compétente est le maire au nom de la commune ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, le permis est exécutoire, lorsqu’il s’agit d’un arrêté, à compter de sa notification au demandeur et de sa transmission au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales”.

Pour le Conseil d’État, il résulte de ces dispositions “qu’il n’appartient pas à l’autorité qui est compétente pour instruire et délivrer un permis de construire d’imposer des formalités non prévues par le code de l’urbanisme pour la mise en œuvre de l’autorisation délivrée.

Par suite, l’administration ne peut subordonner la mise en œuvre de certaines des prescriptions attachées au permis de construire à un « avis » préalable de la commune, formalité qui n’est prévue par aucune disposition du code de l’urbanisme.”

Autrement posé, le Conseil d’Etat a analysé les prescriptions litigieuses comme l’énoncé d’une règle de procédure, que le Maire ne pouvait compétemment instituer (de la même façon que les documents d’urbanisme ne peuvent comporter que des conditions de fond à l’octroi du permis de construire, sans ni imposer des formalités autres que celles prévues par le code, ni modifier les compétences déterminées par celui-ci : CE, 21 mars 1986, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Les Périades », n° 61817).

 

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