Dans une décision du 1er mars 2023, à mentionner aux tables du recueil Lebon (n°458933), le Conseil d’Etat a apporté quelques précisions quant au pouvoir de régularisation du juge administratif.
En l’espèce, par un arrêté du 29 juillet 2019, la préfète des Deux-Sèvres avait délivré à une société, une autorisation environnementale en vue de la construction et de l’exploitation d’éoliennes. M. A a alors saisi la Cour administrative d’appel de Bordeaux afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté.
La Cour, par un arrêt du 28 septembre 2021 contre lequel la commune se pourvoit en cassation, a
“d’une part, annulé cet arrêté en tant qu’il ne comporte pas la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement,
d’autre part, suspendu l’exécution de cet arrêté jusqu’à la délivrance [de cette dérogation],
enfin, sursis à statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. A…, jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt, pour permettre à la société titulaire de l’autorisation de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation du vice” entachant l’étude d’impact.
S’agissant de ce dernier point – le sursis à statuer prononcé dans l’attente d’une mesure de régularisation de l’étude d’impact – le Conseil d’Etat commence par juger que
“les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.”
Pour la Haute juridiction ce sont uniquement ces manquements qui peuvent justifier l’utilisation de la faculté de régularisation prévue par le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement.
En effet, le Conseil d’Etat juge qu’ “après avoir constaté le caractère insuffisant d’une étude d’impact, il appartient au juge, avant de faire usage de la faculté de régularisation prévue par le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, de rechercher au préalable si les insuffisances constatées ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise.”
Cet arrêt a aussi été l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler que
“la faculté ouverte par le 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement relève de l’exercice d’un pouvoir propre du juge, qui n’est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens.”
Toutefois, “lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables. Dans cette hypothèse, il ne peut substituer l’annulation partielle prévue au 1° du I du même article à la mesure demandée.”
Alors que, “lorsqu’il n’est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation.”