Le Conseil d’Etat s’est prononcé, dans un arrêt du 29 décembre 2022 à mentionner aux tables du recueil Lebon (n°458678), sur l’obligation de présentation préalable d’un mémoire en réclamation lorsque le titulaire entend être indemnisé pour défaut de notification de l’ordre de service.
En l’espèce, par un acte d’engagement du 31 décembre 2013, le Grand port maritime de Marseille avait confié à la société Can les travaux de dragage d’entretien des postes d’attente fluviaux sur les bassins ouest de ce port.
Estimant que l’ordre de service de la première tranche de ces travaux, parvenu le 21 juillet 2014, était tardif, la société Can a demandé la résiliation du marché. Le 5 mars 2015, le Grand port maritime de Marseille a décidé la résiliation du marché aux torts de la société Can.
Par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné le Grand port maritime de Marseille à verser à la société Can une indemnité de 516 316,78 euros au titre des frais engagés pour assurer l’exécution du marché.
Par un arrêt du 15 juin 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a ensuite rejeté l’appel principal du Grand port maritime de Marseille, et fait droit partiellement à l’appel incident de la société Can en portant son indemnité à 644 656,14 euros.
Par une décision du 3 février 2021, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt.
Par l’arrêt attaqué du 23 septembre 2021, la cour administrative d’appel de Marseille a de nouveau rejeté l’appel principal du Grand port maritime de Marseille, et fait droit partiellement à l’appel incident de la société Can, en portant son indemnité à 644 656,14 euros.
Ainsi saisi, le Conseil d’Etat commence par rappeler les termes des articles 46.2.1 et 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux (CCAG Travaux) applicable au litige.
L’article 46.2.1 susmentionné stipule que “dans le cas où le marché prévoit que les travaux doivent commencer sur un ordre de service intervenant après la notification du marché, si cet ordre de service n’a pas été notifié dans le délai fixé par le marché ou, à défaut d’un tel délai, dans les six mois suivant la notification du marché, le titulaire peut […] demander, par écrit, la résiliation du marché. […]
Lorsque la résiliation est prononcée à la demande du titulaire en application du présent article, celui-ci est indemnisé des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution.
Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de deux mois, à compter de la notification de la décision de résiliation. »
Concernant l’article 50.1.1, le Conseil d’Etat énonce qu’il résulte de ses dispositions “que, lorsqu’intervient, au cours de l’exécution d’un marché, un différend entre le titulaire et l’acheteur, résultant d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter [au représentant du pouvoir adjudicateur et au maître d’oeuvre], […] un mémoire en réclamation, à peine d’irrecevabilité de la saisine du juge du contrat”.
Le Conseil d’Etat juge que les stipulations de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux ne dispense pas le titulaire du marché de respecter les stipulations de l’article 50.1.1.
Ainsi, “s’il entend être indemnisé sur le fondement de ces stipulations et qu’un différend intervient à ce propos à la suite de sa demande écrite dûment justifié […] de présenter un mémoire en réclamation répondant aux conditions prévues à l’article 50.1.1 du CCAG Travaux avant de saisir le juge”.