L’on sait qu’un lotissement peut être régi par deux documents distincts : le règlement et le cahier des charges. Tous deux élaborés par le lotisseur, le règlement et le cahier des charges poursuivent – théoriquement – des finalités distinctes : le règlement pose la norme d’urbanisme applicable dans ce lotissement (telle que, par exemple, les règles relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, à la destination des constructions, applicables au lotissement : H. JACQUOT, F. PRIET, Droit de l’urbanisme, 7ème éd. Dalloz, p. 817, § 673) et le cahier des charges fixe les droits et obligations réciproques des propriétaires de lots. Le cahier des charges est donc avant tout un contrat auquel souscrivent les colotis lors de l’acquisition de leur lot.
Dans ce cadre, il arrivait que les colotis s’entendent pour « contractualiser » des règles d’urbanisme, pour se prémunir d’éventuelles évolutions des règles d’urbanisme locales.
La décision commentée de la Cour de cassation se prononce sur les modalités de cette contractualisation (combattue, d’ailleurs, par le législateur à l’occasion de la loi ALUR – voir ici – avec un succès mitigé d’ailleurs – voir l‘article 47 de la loi ELAN qui supprime les trois derniers aliénas de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme relatifs à la caducité des clauses non réglementaires des cahiers des charges non approuvés).
Les faits de l’affaire étaient somme toute classiques. Un propriétaire d’une maison individuelle située dans un lotissement créé par arrêté préfectoral du 16 mars 1977 a réalisé des travaux d’extension de celle-ci après obtention d’un permis de construire ; des colotis ont toutefois contesté la conformité de la construction au règlement du lotissement et ont engagé une action en démolition de la nouvelle construction (et aussi en indemnisation). Autrement posé, les requérants invoquaient une faute contractuelle. Pour ce faire, les requérants estimaient que les dispositions du règlement du lotissement avaient été « contractualisées » dès lors que les colotis avaient décidé, lors d’une assemblée générale, de maintenir des règles d’urbanisme au sein du lotissement pour échapper à la caducité de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme.
La Cour d’appel d’Aix en Provence, par un arrêt du 10 septembre 2015, rendu sur renvoi après cassation (Cass., 3ème civ., 29 janvier 2014, n° 12-24.156) avait rejeté la demande en démolition après avoir considéré que les dispositions du règlement dudit lotissement n’avaient pas été, contrairement à ce qui était soutenu par les demandeurs, contractualisées ; partant, la responsabilité contractuelle du coloti ne pouvait être utilement recherchée.
A juste titre a jugé la Cour de cassation :
« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que, en exerçant la faculté que leur donne l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme de maintenir le règlement du lotissement pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de contractualiser les règles qu’il contient et relevé que, s’il était mentionné dans l’acte de vente du 25 décembre 2004, d’une part, que les pièces visées à l’article L. 316-3 du code de l’urbanisme avaient été remises à M. M…, d’autre part, que celui-ci reconnaissait avoir pris connaissance de tous les documents du lotissement et être tenu d’en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu’elles s’appliquaient au bien vendu, cette clause ne suffisait pas à caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ou qui ne lui étaient pas demandées, en a exactement déduit que, la contractualisation alléguée par MM. O… et U… n’étant pas établie, leurs demandes ne pouvaient pas prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle et a ainsi légalement justifié sa décision » (Cass., 3ème civ., 21 mars 2019, n° 18-11.424).
En d’autres termes, la contractualisation du règlement du lotissement, ou de certaines de ses dispositions, doit résulter d’une volonté non équivoque des colotis.
Cette lecture – la plus raisonnable – doit être saluée au regard de la portée du cahier des charges : en effet, si les clauses réglementaires des cahiers des charges (approuvés ou non) ont vocation à devenir caduques et ne pourront, à terme, plus être opposées à l’administration lors de l’instruction des autorisations d’urbanisme, il reste qu’elles continueront à régir les rapports des colotis, en tant que contrat. La jurisprudence de la Cour de cassation postérieure à la loi ALUR a confirmé que « le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues » (Cass., 3ème civ., 21 janvier 2016, Société Beval, n° 15-10.566).
L’absence de contractualisation « clandestine » des dispositions du règlement du lotissement est donc rassurante !