Sur le décret « miroir » du 11 mai 2020 (décret n° 2020-548)

TextesAnalyse 13 mai 2020

Le quitus délivré par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, aux dispositions de l’article L. 3131-15 I. 1° du Code de la santé publique (CSP) habilitant le Premier ministre à réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage, a permis de conforter l’action réglementaire déployée par le Gouvernement à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle phase de lutte contre la pandémie, qui succède à la phase initiale de confinement général et indifférencié de la population.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre a ainsi le 11 mai 2020 :

– pris un nouveau décret, le décret n° 2020-548 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, publié au JO du 12 mai 2020 ;

– abrogeant le décret n° 2020-545 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, datant également du 11 mai 2020 et publié au JO du 11 mai 2020 [1].

Ce nouveau décret – applicable à compter du 13 mai 2020 – trouve ainsi sa base légale dans la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 entrée en vigueur le jour même de sa promulgation, et vient, par suite, prendre le relais du décret n° 2020-545 qui avait pour finalité d’assurer l’interface entre la fin du confinement général et indifférencié et l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

Comme cela a pu être exposé dans notre précédent article, l’intention du gouvernement était motivée par sa volonté d’assurer une base légale renforcée à certaines mesures telles que les restrictions apportées aux déplacements de plus de 100 km au-delà des limites d’un département ou encore la réglementation de l’accès aux moyens de transport collectif et des conditions de leur usage notamment en région Ile-de-France.

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Par suite, le décret n° 2020-548 constitue quasiment une copie conforme du décret n° 2020-545 examiné lors d’un précédent article, à l’exception toutefois des mesures précisées ci-après.

1°/ L’article 3 du nouveau décret instaure – en application du 1° de l’article L. 3131-15 du CSP – une interdiction de principe de « tout déplacement de personne la conduisant à la fois à sortir d’un périmètre défini par un rayon de 100 kilomètres de son lieu de résidence et à sortir du département dans lequel ce dernier est situé » à l’exception de ceux justifiés par l’un des motifs limitativement énumérés (trajet domicile-travail & déplacements professionnels, accès aux soins, impératifs scolaire ou concours, motif familial impérieux etc).

Cette interdiction rappelle, à certains égards, l’interdiction de quitter son lieu de résidence, mise en œuvre dans le cadre du confinement général et indifférencié sur le fondement de l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020.

Dans les deux cas, il s’agissait d’interdictions de principe assorties de dérogations, à condition de pouvoir dûment en justifier, le cas échéant, au moyen d’un ou plusieurs documents – avec toutes les difficultés que peut présenter cette dernière exigence.

Le préfet de département a, en outre, la possibilité de durcir les conditions de déplacement à l’intérieur d’un département « lorsque des circonstances locales l’exigent ».

Enfin, l’on précisera que le ministre de l’intérieur a, le 11 mai 2020, pris un arrêté fixant le modèle de déclaration de déplacement hors du département et à plus de 100 kilomètres du lieu de résidence (le formulaire de déclaration est également accessible sur le site internet du ministère de l’intérieur).

2°/ L’autre mesure phare introduite par le nouveau décret du 11 mai 2020 (article 6 III) – en application toujours du 1° de l’article L. 3131-15 du CSP – est relative à la faculté reconnue aux préfets de département ou, pour l’Ile-de-France, au préfet de région, le cas échéant après consultation préalable de l’autorité organisatrice compétente, de réglementer l’accès aux réseaux de transport public collectif de voyageurs (bus, tram, métro, train) en réservant un tel accès «  à certaines heures, eu égard aux conditions d’affluence constatées ou prévisibles, […] aux seules personnes effectuant un déplacement » justifié par l’un des motifs limitativement énumérés (trajet domicile-travail & déplacements professionnels, accès aux soins, impératifs scolaire ou concours, motif familial impérieux etc) [2].

Ainsi, les personnes se déplaçant pour l’un des 7 motifs énumérés au III de l’article 6 devront, pour accéder aux réseaux de transport public collectif de voyageurs aux heures définies par un arrêté préfectoral – à l’instar des personnes souhaitant déroger à l’interdiction des déplacements de plus de 100 km au-delà des limites d’un département précédemment évoquée – justifier le motif de leur déplacement, le cas échéant au moyen d’un ou plusieurs documents. A défaut de quoi, elles s’exposent – outre aux sanctions pénales prévues à l’article L. 3136-1 du CSP – à se voir refuser l’accès au réseau de transports collectifs ou se voir reconduire à l’extérieur des espaces relevant de ce réseau.

Le décret prévoit également la possibilité, pour l’autorité préfectorale, de fixer les formes et modalités particulières de présentation des justificatifs des motifs admis pour bénéficier de facilités de circulation.

La première mise en œuvre de la possibilité reconnue à l’article 6 III du décret n° 2020-548 a été, sans grande surprise, le fait du préfet de la région Ile-de-France par le biais d’un arrêté du 12 mai 2020 portant réglementation temporaire de l’accès aux transports publics collectifs et à leurs espaces attenants en Île-de-France .

Cet arrêté fixe ainsi les plages horaires – correspondant aux « heures de pointes » – durant lesquelles l’accès au réseau de transports publics de voyageurs fait l’objet de restrictions d’accès tenant à la nécessité de pouvoir justifier de l’un des motifs dérogatoires précités.

Il prévoit également la mise à disposition du public d’attestations-types : un formulaire valant pour tous les types de déplacement et un autre exclusivement dédié aux déplacements professionnels.

3°/ L’article 8 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 pose, sur le fondement du 6° de l’article L. 3131-15 du CSP, l’interdiction de réunion et de rassemblement formulée comme suit :

« Aucun évènement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu’au 31 août 2020 ».

 4°/ Enfin dans le sillage du précédent décret (n° 2020-545) qui avait autorisé la reprise progressive de l’accueil des usagers des écoles maternelles et élémentaires, l’article 12 du nouveau décret (n° 2020-548) permet à son tour l’accueil des collégiens au sein de leur établissements d’enseignement, et ce uniquement dans les départements de la zone verte (voir annexe  1 du décret). On relèvera, à cet égard, que le nouveau décret prévoit l’obligation du port de masque de protection non seulement pour les personnels des collèges mais également pour les collégiens eux-mêmes.

 

[1] Cette abrogation n’était au demeurant pas nécessaire puisque l’article 27 du décret n°2020-545 prévoyait une applicabilité limitée aux 11 et 12 mai 2020.

[2] La liste des motifs permettant de déroger à l’interdiction des déplacements de plus de 100 km au-delà des limites d’un département ou identique à celle qui autorise l’accès à certaines heures aux moyens de transport collectif.

Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

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