Une promesse de vente, discutée mais non remise en cause par le Juge judiciaire, est suffisante pour déposer une demande de permis

Jurisprudence 21 février 2020

Voici une nouvelle illustration du contrôle, ou plus exactement des limites du contrôle opéré par l’administration sur l’attestation produite par un pétitionnaire – intégrée en pratique dans le formulaire cerfa, à la rubrique 8 – suivant laquelle il remplit bien les conditions définies par l’ article R. 423-1 du Code de l’urbanisme (applicable au permis d’aménager, comme en l’espèce, par renvoi de l’article R. 441-1 du Code de l’urbanisme).

La grille d’analyse progressivement dégagée par le Conseil d’Etat depuis l’entrée en vigueur de la réforme des autorisations de construire par l’effet de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 est bien connue.

Le principe est que dès lors que les autorisations d’utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, sont accordées sous réserve du droit des tiers, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une déclaration préalable ou d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur. Dans ces conditions, les tiers ne peuvent utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l’attestation requise, faire grief à l’administration de ne pas en avoir vérifié l’exactitude (en pratique toutefois, ces griefs sont malheureusement fréquents…).

Le Conseil d’Etat a toutefois réservé l’hypothèse où « l’autorité saisie d’une telle déclaration ou d’une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu’implique l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, d’aucun droit à la déposer ». Dans ce cas, l’administration doit s’opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif (CE, 23 mars 2015, M. et Mme A. B., n° 348261)

Explicitant cette réserve, la Haute assemblée a précisé « qu’il en est notamment ainsi lorsque l’autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande » (CE, 19 juin 2015, Commune de Salbris, n° 368667). Mais c’est à la date du permis de construire que cette remise en cause doit intervenir. Si le pétitionnaire perd, postérieurement à la délivrance de son permis de construire, fût-ce à titre rétroactif, la qualité au titre de laquelle il avait présenté la demande de permis de construire, ce dernier n’est pas entaché d’illégalité.

La décision rendue le 12 février dernier (n° 424608)  par le Conseil d’Etat (qui sera mentionnée dans les tables du recueil Lebon) s’inscrit dans cette veine jurisprudentielle, en faisant une nouvelle application de la réserve précédemment dégagée, quand l’administration est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire a présenté sa demande.

Il est ainsi précisé que «  lorsque le pétitionnaire est, pour le terrain faisant l’objet de la demande de permis, titulaire d’une promesse de vente qui n’a pas été remise en cause par le juge judiciaire à la date à laquelle l’autorité administrative se prononce, l’attestation par laquelle il déclare remplir les conditions pour déposer la demande de permis ne peut, en l’absence de manoeuvre frauduleuse, être écartée par l’autorité administrative pour refuser de délivrer le permis sollicité »

En l’espèce, la société sollicitant le permis d’aménager était bien titulaire, à la date du permis (tacite), d’une promesse de vente pour le terrain d’implantation de son projet conclu avec la Commune. Certes, un contentieux était né devant le Juge judiciaire, qui était saisi d’une action engagée pour contester la caducité de la promesse de vente, « constatée par une délibération de la Commune ». Mais à la date du permis, la procédure contentieuse était « seulement en cours » et le Juge judiciaire n’avait, par définition, pas (encore ?) remis en cause la validité de cette promesse.

Le permis d’aménager tacite n’était donc pas illégal, ce qui faisait obstacle à son retrait autoritaire par le Maire.

Une telle lecture a le mérite de la simplicité pour le service instructeur en charge de contrôler – à la marge en principe – la qualité alléguée du pétitionnaire.

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