Les trois requêtes tendant à l’annulation du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021 ont finalement été rejetées par le Conseil d’Etat (arrêt n°469964 du 30 juin 2023).
Ce décret précisait l’application de l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et approuvait le contrat d’engagement républicain (CER) des associations et fondations bénéficiant de subventions publiques ou d’un agrément de l’État.
Cette décision, décevante pour les associations requérantes, ne bouleverse pas la donne pour les collectivités publiques : celles-ci pourront continuer d’octroyer des subventions publiques à des associations, sous réserve que ces dernières aient souscrit le CER, et tout manquement aux engagements souscrits au titre de ce contrat pourra entraîner le retrait d’une telle subvention.
En cas de refus ou de retrait d’une subvention, l’appréciation de l’existence, ou non, d’un manquement aux engagements du CER– qui, comme l’a rappelé le Conseil d’État, s’effectue sous le contrôle du juge du fond –, ne devrait toutefois pas manquer de susciter de nouveaux contentieux, et de nouvelles décisions du juge administratif.
Un premier jugement sur le sujet est déjà attendu, dans les prochains mois, devant le Tribunal administratif de Poitiers, s’agissant de deux déférés préfectoraux introduits par le préfet de la Vienne à l’encontre des décisions de refus du conseil municipal de la commune de Poitiers et du conseil communautaire du Grand Poitiers de procéder au retrait des subventions accordées à l’association Alternatiba Poitiers pour l’organisation d’un « Village des Alternatives », au mois de septembre 2022.
En cause : l’organisation, au cours de ce festival destiné à sensibiliser la population locale aux enjeux liés au changement climatique, d’un atelier consacré à la désobéissance civile qui, selon le préfet, caractériserait un manquement aux engagements du CER.
Pour l’heure, avec l’arrêt rendu le 30 juin le Conseil d’État n’a pas suivi les conclusions de son rapporteur public, qui l’invitait à prononcer une annulation partielle de ce « contrat » (cf notre article https://www.goutal-alibert.net/contrat-dengagement-republicain-les-conclusions-du-rapporteur-public-du-conseil-detat/).
Au contraire après avoir rappelé, sur le fondement des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « qu’une atteinte portée à la liberté d’association, la liberté de réunion ou la liberté d’expression n’est justifiée que lorsque celle-ci est prévue par la loi, qu’elle poursuit un but légitime, qu’elle est nécessaire dans une société démocratique et est proportionnée au but poursuivi », et souligné que « les dispositions de la loi du 24 août 2021 dont le décret attaqué fait application constituent une ingérence dans la liberté d’exercice des associations », il a jugé que les nouvelles obligations imposées aux associations poursuivent un but légitime et sont définies de façon suffisamment précises par la loi du 24 août 2021.
Surtout, sans toutefois se prononcer explicitement sur le caractère nécessaire et proportionné de l’ingérence identifiée, il a considéré que l’engagement n° 1 se bornait à « rappeler l’obligation de ne pas commettre ou provoquer de violences ou de troubles graves à l’ordre public et de respecter la loi conformément aux dispositions de l’article 12 de la loi du 24 août 2021 » et jugé, par suite, que les associations requérantes n’étaient « pas fondées à soutenir qu’un tel engagement ne serait pas suffisamment défini, ni qu’il excéderait les obligations prévues par la loi ».
Ce faisant, le Conseil d’État a fait sienne la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel, qui avait considéré que l’obligation faite aux associations de « s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public » visait « les actions susceptibles d’entraîner des troubles graves à la tranquillité et à la sécurité publiques » (Cons. const., 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, n° 2021-823 DC).
S’agissant de l’interdiction faite aux associations de mener « toute action manifestement contraire à la loi » il s’est borné à relever qu’elle renvoyait à l’obligation de respecter la loi, résultant de l’article 12 de la loi du 24 août 2021.
En outre, concernant les autres obligations du CER, il a considéré, de façon lapidaire, qu’elles étaient « définies de façon suffisamment précise et n’excèdent pas les obligations instituées par la loi du 24 août 2021 », et renvoyé à « l’administration, sous le contrôle du juge administratif, [le soin] d’en caractériser les manquements eu égard au respect des principes républicains et des conditions énoncés par les dispositions législatives dont ils font application ».
Enfin, le Conseil d’État a rejeté les autres moyens des associations requérantes (sur l’imputabilité des manquements commis par leurs membres et bénévoles, la méconnaissance du droit à un recours effectif et d’accès à un tribunal, la méconnaissance de l’objectif de participation effective du public, et la méconnaissance du champ d’application de l’article 12 de la loi du 24 août 2021).