Ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 : du nouveau concernant (principalement) les délais en matière d’urbanisme

Textes 16 avril 2020

L’ordonnance 2020-306 du 25 mars dernier avait, par des mesures jugées trop radicales (concernant notamment la prorogation des délais de recours et la suspension des délais d’instruction), inquiété les acteurs du BTP, de l’urbanisme et de l’immobilier.

La Garde des Sceaux avait annoncé une ordonnance rectificative, pour tenir compte des craintes exprimées par les professionnels.

C’est l’objet de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 publiée au journal officiel du 16 avril 2020.

Elle est articulée en trois temps :

  • le titre I est relatif à la « modification des dispositions générales relatives à la prorogation des délais » ;
  • le titre II est relatif à la « modification des dispositions particulières aux délais et procédure en matière administrative » ; il concerne, sur deux points, les praticiens du droit de l’urbanisme (art. 5 et 6) ;
  • le titre III est relatif aux « dispositions diverses« , qui concerne directement les praticiens du droit de l’urbanisme.

S’agissant du titre I

L’on retiendra principalement que l’article 1er complète la liste des délais, mesures et obligations exclus du champ d’application du titre Ier de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation  des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

L’article 2 explicite l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 pour confirmer que cette disposition ne s’applique pas aux délais de réflexion et de rétractation (l’objectif étant de permettre à ceux qui le souhaitent de poursuivre leur projet immobilier).

L’article 3 précise l’interprétation de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-306, relatif à la prorogation des mesures administratives et juridictionnelles en cours, afin que cette prorogation de plein droit ne puisse pas être interprétée comme un dessaisissement des autorités compétentes.

S’agissant, enfin, de l’article 4, il complète l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 relatif au cours des astreintes et à l’application des clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance.

S’agissant du titre II

Il contient trois articles.

L’article 5 modifie l’article 7 de l’ordonnance 2020-306.

Il est d’abord ajouté un alinéa à cet article pour préciser que « sous réserve des dispositions de l’article 12, les délais prévus pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu’à l’expiration d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ». Autrement posé, l’ordonnance supprime le délai d’un mois supplémentaire après la fin de l’urgence sanitaire pour refaire courir les délais. Ces derniers recommencent à courir 7 jours après la fin de l’urgence sanitaire.

L’article 5 prévoit aussi que les délais applicables aux procédures en matière de rupture conventionnelle dans la fonction publique, notamment le délai de rétractation, sont suspendus selon le droit commun fixé par l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée.

L’article 6 modifie l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-306 qui suspend les délais dans lesquels les personnes publiques et privées doivent réaliser des travaux et des contrôles ou se conformer à des prescriptions de toute nature. Il est précisé que l’autorité administrative peut néanmoins, pendant la période du 12 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, exercer ses compétences pour modifier ces obligations ou y mettre fin, ou, lorsque les intérêts dont elle a la charge le justifie, pour prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, dans le délai qu’elle détermine. Dans tous les cas, l’autorité administrative tient compte, dans la détermination des obligations ou des délais à respecter, des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire.

L’article 7 modifie pour sa part l’article 9 pour prévoir deux nouveaux motifs qui permettront par décret de déterminer les actes, procédures ou obligations pour lesquels les délais reprennent : la sauvegarde de l’emploi et de l’activité et de la sécurisation des relations de travail et de la négociation collective.

S’agissant du titre III

Cette partie de l’ordonnance intéresse directement le droit de l’urbanisme.

En premier lieu, est intégré dans l’ordonnance n°2020-306, un article 12 bis qui fixe des règles dérogatoires à celles de l’article 2 concernant le report des délais de recours contentieux à l’encontre des autorisations de construire (permis de construire, non-opposition à déclaration préalable, permis d’aménager et permis de démolir). L’on rappellera que le mécanisme de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 prévoit une prorogation des délais non échus au 12 mars dernier pour une durée de deux mois à compter du 24 juin 2020 ce qui permet donc de déposer régulièrement un recours (gracieux ou contentieux) jusqu’au 24 août 2020 (à suivre le Conseil d’Etat). Cette règle jugée trop pénalisante dès lors que « dans le domaine de la construction, l’ensemble du processus (financements, actes notariés, chantiers) se trouve en effet bloqué tant que les délais de recours contre l’autorisation de construire ne sont pas purgés« (cf. Rapport au Président de la République) a été remplacée, uniquement pour les recours contre une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir (les délibérations relatives à l’approbation des documents d’urbanisme ne sont donc pas concernées) par un système de suspension des délais. Concrètement, les délais non échus au 12 mars 2020 reprendront donc leur cours là où ils s’étaient arrêtés dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit, pour la majorité des commentateurs, le 25 mai 2020) sans toutefois que les délais restant ne puissent être inférieurs à 7 jours. Le gain de temps est donc sensible.

En deuxième lieu, le nouvel article 12 ter prévoit une dérogation à l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, pour permettre que les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, suspendus depuis le 12 mars dernier, reprennent leur cours dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire, et non un mois plus tard. Ce serait donc une reprise du délai d’instruction le 25 mai 2020 (la prudence recommanderait, vu les débats doctrinaux en cours, de retenir la date du 24 mai 2020). L’objectif affiché est, à suivre le Rapport au Président de la République, « de relancer aussi rapidement que possible, une fois passée la période de crise sanitaire, le secteur de l’immobilier, en retardant au minimum la délivrance des autorisations d’urbanisme« . Cela imposera aux services d’instructeur de recenser très rapidement les délais susceptibles d’expirer fin mai 2020… Par ailleurs, et pour répondre aux demandes des constructeurs, le  Ministère de la Cohésion des Territoires a indiqué mener « un travail commun avec les collectivités territoriales afin d’encourager l’instruction et la délivrance de décisions expresses dans ces domaines sans attendre l’expiration des délais ».

En troisième lieu, un article 12 quater a été inséré pour prévoir, à l’instar des autorisations d’urbanisme, que le délai imparti à l’administration pour répondre à une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) reprenne dès la cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit une reprise le 25 mai 2020 pour la majorité des commentateurs) pour le temps qui lui restait à courir au 12 mars 2020. Les services instructeurs devront être particulièrement vigilants sur ce point et anticiper l’expiration de ces délais pour ne pas être pris de court.

En quatrième et dernier lieu, une disposition a été ajoutée pour régler la difficulté liée au fait que les délais de participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement nécessaires aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ont été suspendus conformément à l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, à défaut de pouvoir relever de l’article 12 de la même ordonnance, qui ne vise que les seules enquêtes publiques. Le Gouvernement considère que « les modalités de cette participation, qui s’effectue par voie électronique dans les conditions définies à l’article L. 123-19 du code de l’environnement [en application de l’article 9 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024], apparaissent compatibles avec l’état d’urgence sanitaire » (cfRapport au Président de la République) ; de sorte que le cours de ces délais reprend pour ces procédures à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 avril 2020 (publiée au Journal officiel du 16 avril 2020).

Pour les autres procédures de consultation ou de participation du public (non concernées par les dispositions de l’article 12), les délais demeurent suspendus. Mais, toujours de manière dérogatoire, ils reprendront à courir jusqu’à l’expiration d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (cf.art. 5 précité de l’ordonnance).

Telles sont les premières observations qu’appelle la lecture du Journal officiel de ce matin.

(brève mise à jour le 18 avril 2020)

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